Bonjour à tous
Je vous rassure, je n’ai pas la prétention de livrer des secrets qui n’en sont pas sur ce qui fait l’alchimie d’une histoire d’amour… J’évoque plus naturellement le poème-acrostiche qui a été primé en 2016 lors de la Bataille des Dix Mots.
En lisant le texte, d’aucuns butaient sur certains termes et m’ont demandé leurs significations et leurs origines. Voici ci-dessous la présentation que j’en ai eu par les organisateurs du concours :
L’édition 2016 « Dis-moi dix mots … en langue(s) française(s) » met à l’honneur les variétés du français. S’il y a une seule langue française partagée par 274 millions de locuteurs dans le monde, celle-ci est riche de la diversité de ses expressions.
Les dix mots choisis invitent à partir à la découverte du français parlé dans les différents territoires de la Francophonie : en France « chafouin » et « fada», au Québec « poudrerie » et « dépanneur », en Belgique « lumerotte » et « dracher », en Suisse « ristrette » et « vigousse », en Haïti « tap-tap » et au Congo « champagné ». Ces mots sont autant de propositions pour stimuler la créativité littéraire et artistique de nos concitoyens.
Une essencerie est une station-service au Sénégal, tandis que l’essence désigne le parfum en Louisiane, un plat que nous désignerions comme savoureux en France est goûté à l’île Maurice, tandis que les abribus sous lesquels nous patientons sont des aubettes en Belgique…
Notre langue n’est pas uniforme, mais au contraire riche de termes et d’expressions qui expriment des réalités et des cultures différentes, selon que l’on se trouve à Bruxelles, Kinshasa, Genève, Port-au-Prince, Montréal ou Paris.
En règle générale, la diffusion de ces termes n’excède pas les territoires où ils sont en usage. Si l’on s’en tient à la liste qui est proposée, une poudrerie est inconcevable en Haïti, où il drache assez peu, et commander un ristrette dans un café marseillais risque de vous faire passer pour un fada ! Et pourtant, avec un peu d’imagination ou de curiosité, on peut comprendre que lumerotte n’est pas sans lien avec la lumière et tap-tap avec un moyen de transport inconfortable…
Ces particularismes lexicaux fécondent le français, sans pour autant empêcher la communication dans une langue partagée. Ils nous font percevoir que chaque francophone est porteur d’un imaginaire et d’une identité singuliers, qui enrichissent et nourrissent les échanges avec les francophones du monde entier.
EXPLICATIONS :
Chafouin (ine) [ʃafwɛ̃ , in] n. Employé en France.
ÉTYM. 1611 « putois » ; 1508, terme d’injure ; terme dialectal ; de chat, et fouin, masc. de fouine. n. vx. Personne qui a une mine sournoise, rusée. Une mine de chafouin. Une chafouine.
Adj. Mod. Rusé, sournois. Air chafouin. Mine chafouine.
Source : le Grand Robert, 2015
Dis-moi dix mots… en langue(s) française(s) –
Champagné
Champagné, par Atelier Pentagon n. m. Employé au Congo.
Personne d’influence, aux nombreuses relations.
Source : Loïc Depecker, Petit dictionnaire insolite des mots de la francophonie, Paris, Larousse, 2013
Dis-moi dix mots… en langue(s) française(s) –
Dépanneur n. m. Employé au Québec.
Petit commerce, aux heures d’ouverture étendues, où l’on vend des aliments et une gamme d’articles de consommation courante. – Au Québec, le terme dépanneur s’est bien implanté. Il est même repris en anglais comme synonyme de convenience store. Source : Grand dictionnaire terminologique, 2015
Dis-moi dix mots… en langue(s) française(s) –
Dracher [dʀaʃe] v. Employé en Belgique. Il drache v. impers. FAM. Il tombe une pluie battante ; il pleut à verse. Il drache depuis le matin. Voir drache, doucher. – Vitalité élevée et stable, en Wallonie comme à Bruxelles. – Également employé dans le Nord de la France (Nord-Pas-de-Calias, Ardennes), ainsi qu’au Congo-Kinshasa et au Rwanda. – Emprunt au flamand draschen « pleuvoir à verse » (néerl. standard stortregenen). Voir drache*. Source : Michel Francard, Geneviève Geron, Régine Wilmet, Aude Wirth, Dictionnaire des belgicismes, De Boeck-Duculot, 2010
Dis-moi dix mots… en langue(s) française(s) –
Fada [fada] adj. et n. m. Employé en France.
ÉTYM. xxe, pour l’orth. actuelle ; xvie, fadas, fadasse, fadat ; cf. Huguet, cit. Brantôme, d’Aubigné ; provençal mod. fadas ; anc. Provençal fadatz, dér. de fat « sot, niais », du lat. fatuus « insensé » 1. Régional (Midi) Un peu fou ➙ cinglé. Il est un peu fada : il en est entiché, il en est fou.
2. N. m. Simple d’esprit ➙ fou. La maison du fada : sobriquet donné par les Marseillais à une construction
d’habitation dessinée par Le Corbusier.
Source : le Grand Robert, 2015
Dis-moi dix mots… en langue(s) française(s) –
Lumerotte, par Atelier Pentagon [lymRᴐt] n.f. Employé en Belgique. 1. Source de lumière de faible intensité. Mettre une lumerotte dans la chambre à coucher de la petite. Je n’arrive pas à lire avec cette lumerotte.
2. Légume (betterave, potiron, citrouille, etc.) évidé et percé de petites ouvertures, dans lequel on place une source lumineuse. Atelier de création de lumerottes. Faire des lumerottes pour la fête d’Halloween. – Vitalité peu élevée en Wallonie et très faible à Bruxelles. On notera toutefois que ce mot connaît un récent regain grâce aux activités organisées à l’occasion d’Halloween (tradition importée, mais qui se diffuse en Belgique), durant lesquelles les enfants se promènent avec des lumignons.
– Équivalents en fr. de référence : 1. lumignon, connu en Belgique francophone ; 2. citrouille (le plus souvent, ou un autre légume), également employé en Belgique francophone. – Emprunt au wallon/picard lumrote, loumrote, leumrote (mêmes sens). Source : Michel Francard, Geneviève Geron, Régine Wilmet, Aude Wirth, Dictionnaire des belgicismes, De Boeck-Duculot, 2010
Dis-moi dix mots… en langue(s) française(s) –
Poudrerie, par Atelier Pentagon n. f. Employé au Québec.
– Neige poussée par le vent pendant qu’elle tombe.
– Neige déjà au sol qui est soulevée et poussée sous l’effet du vent.Source : Grand dictionnaire terminologique, 2015
Dis-moi dix mots… en langue(s) française(s) –
Ristrette, par Atelier Pentagon. Employé en Suisse.
n. m. Petit café très fort, fait à la vapeur au percolateur.
Boire un ristrette au bar à café.
(Exc., au pluriel) Des ristretti.
Rem. Correspond à ce que l’on appellerait en France un express serré.
Emprunt à l’italien (caffè) ristretto « (café) bien tassé, serré », avec francisation de la finale pour la variante
ristrette, qui est la seule vraiment courante à l’oral.
adj. Au sens métaphorique (souvent en lien avec le temps), serré, limité. Rem. Le terme, essentiellement utilisé dans l’expression « c’est ristrette », s’emploie fréquemment à l’oral, mais se rencontre rarement à l’écrit. L’utilisation de ristrette comme adjectif n’a d’ailleurs pas encore d’entrée dans le Dictionnaire suisse romand. Source : André Thibault, Pierre Knecht, Dictionnaire suisse romand, Zoé, 2012
Dis-moi dix mots… en langue(s) française(s) –
Tap-tap n.m. Employé en Haïti.
En Haïti, camionnette servant au transport en commun dont la carrosserie s’orne de peintures naïves représentant des scènes de la vie quotidienne.
Source : Stanley Péan [auteur québécois d’origine haïtienne], Zombi blues, éditions de la Courte Échelle, Montréal, Québec, 1996
Dis-moi dix mots… en langue(s) française(s) –
Vigousse
Adj. Employé en Suisse. Vigoureux, vif, plein de vie, alerte (d’une personne) ; vigoureux, fort, robuste, résistant (d’un animal, d’une plante). Pour son âge, mon grand-père est encore bien vigousse. Il n’est pas très vigousse, ton hibiscus. C’est le nouveau-né le plus vigousse que j’aie jamais vu. T’as pas l’air vigousse pour un sou, t’es malade ou quoi? Rem. Rare dans la langue écrite ; pratiquement inusité dans la langue littéraire. Première attestation en Suisse romande : 1887. On trouve le mot sous la plume de Flaubert dès 1848 (« c’est d’une vigousse et d’une bestialité inouïes », Par champs et par grèves), de même que chez les Frères Goncourt (Journal, juillet 1869 et janvier 1889), mais à chaque fois comme substantif féminin, avec le sens de « vigueur ». Dans Les Valseuses de B. Blier (1972), en revanche, on rencontre le mot en fonction d’adjectif : « Et ils trouvaient quand même la force, ces feignants, de nous faire au passage un bras d’honneur vigousse, ou de nous envoyer des baisers sonores. » La forme vigousse a aussi été relevée dans le Haut-Jura et à Nancy. Remarque : À noter que « Vigousse » est par ailleurs le nom d’un hebdomadaire satirique romand, créé en 2009. Source : André Thibault, Pierre Knecht, Dictionnaire suisse romand, Zoé, 2012
Et voici… « UNE HISTOIRE D’AMOUR » :
L orsque tout devient plus incertain,
A u-delà des moments opportuns,
L es images s’entremêlent dans les esprits.
A l’énoncé de nos douces rêveries,
N ous devinerons le tap-tap peinturluré
G agnant à travers la blanche poudrerie
U n sommet de la grande montagne.
E st-il fada, le chauffeur ?
F ait-il cela par amour ou par bravoure ?
R arement, il a affronté une drache
A vec autant d’énergie et de bonheur.
N éanmoins, le vigousse bonhomme
C omplète sa certitude par un élan du coeur,
A vec une pensée de plus pour le dépanneur.
I l se souvient de l’odeur chaude du ristrette,
S urtout du parfum de cette femme au regard si peu chafouin.
E spérant la revoir au petit commerce,
V olontiers, il lui parlera
O u mieux, lui déclarera sa flamme.
U ne histoire d’amour s’annonce
S ur fond de lumerottes tamisées.
S ouvent, il pense à elle et à son père,
A ce champagné influent qui viendra à sa rencontre.
L orsqu’il verra la fille sur les marches,
U n grand trouble s’emparera de lui
E t brûlera son âme de morsures infinies.© Patrick Bédier, 2016